lundi 9 juin 2014

L'homme de Rio

                           

    Il y a certains films qui croupissent dans les bibliothèques familiales des maisons de campagne, où on se rend le weekend pour échapper au stress parisien 48h, et qui marquent nos souvenirs d'enfance mieux que n'importe quel évènement douloureux. C'est dans l'une de ces maisons que j'ai découvert L'homme de Rio, et le charme de Belmondo auquel, déjà petite, j'étais sensible. L'ayant regardé hier soir à la télé, j'ai eu envie d'écrire quelque chose à propos de ce film.

Je trouve intéressant d'observer l'affection particulière qu'on tient pour certains objets, parce qu'ils disent quelque chose de notre passé. J'ai vu ce film une trentaine de fois (sans exagérer) jusqu'à pouvoir anticiper le moindre froncement de sourcil de n'importe quel personnage. Mais ce n'est qu'en le visionnant à nouveau, dix ans plus tard, que j'ai compris sa recherche esthétique, son identité de film culte. La maison familiale avait été vendue, et la VHS évaporée chez l'un des nombreux descendants. Je n'avais aucun moyen de revoir ce film qui n'était pas encore édité en DVD, et qui ne passait jamais à la télé, jusqu'à il y a quelques mois.

En le revoyant, avec le recul que m'ont apporté le temps passé et les études cinématographiques, je fus d'abord saisie par des détails irréalistes qui font que certains films vieillissent mal. Le montage, les bruitages et effets spéciaux entre autres. Mais au delà de ces détails, qui a mon sens ne devraient pas intervenir dans la critique d'un film de cette époque, j'ai redécouvert la qualité esthétique du film. Philippe de Broca choisi une façon particulière de cadrer les acteurs dans l'espace, qui rend justice à l'un comme à l'autre. L'attention est centrée sur Belmondo, mais jamais sans un regard émerveillé sur le paysage très particulier du Brésil. Rio devient un personnage à part entière avec lequel interagit Adrien (personnage joué par J.P. Belmondo). Cet environnement fait figure d'obstacle autant que d'aide, et sert le scenario magnifiquement. 

Je reste justement toujours fascinée par le scenario, qui dans les grandes lignes est très simple. Il s'agit d'une chasse au trésor dans laquelle Adrien, militaire en permission, se retrouve entrainé malgré lui, pour sauver Agnès (Françoise Dorléac) qui s'est fait enlevée. C'est alors le début d'une course poursuite interminable, dans laquelle aucun obstacle ne semble décourager Adrien pour retrouver sa fiancée. Une quête en somme très romantique, mais ponctuée par le burlesque des interactions entre Agnès et Adrien, qui traduisent la dualité homme/femme de manière presque exagéré, mais très divertissante.  Est-ce parce que c'est moi ou un choix conscient ou non du réalisateur, mais j'ai toujours trouvé que les corps de Belmondo et Françoise Dorléac dégageaient une essence particulière dans ce film. Un mouvement singulier duquel émane ce que Jean Epstein appelle la photogénie. Une émotion forte de cinéma qui passe dans le corps (et selon Epstein dans le visage, par le gros plan - l'âme du cinéma). Le jeu des acteurs est aussi fluide et naturel qu'une danse, léger mais subtil, offrant ainsi une spontanéité qui joue beaucoup sur l'esthétique du film.     

C'est donc dans le choix de scenario, incroyablement rytmé, l'approche esthétique, qui rend justice aux objets filmés, et la présence des deux acteurs principaux, que ce film m'a ébloui petite, et continue de le faire.









- L'homme de Rio, Philippe de Broca, 1964. Disponible en dvd.
- Jean Epstein (1897-1953) cinéaste et théoricien du cinéma.

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