Ce film a été réalisé par Jason Reitman (réalisateur
de Juno et In the Air) d’après l’adaptation du roman de Joyce Maynard, Labor Day. L’histoire raconte comment
Frank, un fugitif en fuite, va bouleverser la vie triste et monotone de Henry,
adolescente solitaire de 13 ans, et sa mère Adèle (jouée par Kate Winslet), en
pleine dépression depuis son divorce. Frank s’impose chez Adèle et Henry pour
se cacher de la police le temps du weekend du 1er mai. Ce film
présente un huit clos ardent et particulier qui, dans son traitement de
l’histoire et de sa mise en scène, joue avec les émotions du spectateur.
L’arrivée de Frank est à la fois source d’angoisse pour les personnages et le
spectateur, mais offre également un nouveau souffle de vie dans le quotidien
morne d’Adèle et Henry.
Ce suspens se
ressent tout d’abord dans l’action principale du film : l’évasion de
Frank, qui crée un climat d’angoisse permanent. D’abord vis-à-vis d’Adèle et
Henry, pour qui le spectateur développe une empathie grâce à l’introduction du
film ; ensuite en faveur de Frank qui s’attire les bonnes grâces de ses
hôtes et du spectateur. On peut donc noter, à partir de cette distinction, que
le film se découpe en deux parties. Le retournement de situation s’effectue une
fois que les personnages sont arrivés dans le lieu clôt. Comme hors du monde et
de ses lois, ils sont libres d’être qui ils sont, au-delà de certaines
étiquettes comme l’adolescent solitaire, la dépressive ou le fugitif.
Un autre genre de suspens narratif
se met alors en place, à travers trois questions que se pose le spectateur
: pourquoi Frank était-il en prison ? Quelle est la raison de l’état
dépressif d’Adèle ? Et que va-t-il advenir de nos héros ? Ces
questions reviennent sans cesse à l’esprit du spectateur, qui est interpelé par
l’intervention des voisins d’Adèle, de la police, du journal télévisée, et
surtout par des inserts flashbacks qui dévoilent les clés du mystère de Frank.
Il y a donc trois temporalités dans le film : l’extérieur de la maison,
l’intérieur de la maison, et le passé révélé par les inserts flashbacks. Ces
trois temporalités ne font qu’accroitre la tension dramatique au sein de la
maison. Nos héros sont à la fois piégés dans la maison, mais également dans
leur passé. Cet élément temporel sert avec grande justesse le suspens du film,
et permet une identification du spectateur.
L’arrivée
de Frank dans la vie d’Adèle et Henry répond à un manque dans leur quotidien.
Il devient à la fois le père, l’amant, le mécano et le cuisinier, en définitif
l’homme à tout faire, beau et fort, qui répond au besoin de chacun. Il insuffle
un nouveau souffle de vie et répond à un besoin de normalité d’Henry,
permettant d’être dans une certaine représentation de la famille. Cette
représentation est essentiellement due au cadrage, qui encadre les personnages
comme dans une photo de famille. Cela devient presque cliché par moment, tant
ce choix est redondant. Mais il va de pair avec un choix de focalisation
particulier, car le film est entièrement vu du point de vue d’Henry. La caméra
est pratiquement subjective tout au long du film. Même si on ne peut pas dire
qu’elle représente en permanence la vision pure d’Henry, elle traduit son point
de vue. Plus qu’une histoire d’amour impossible, ce film transcrit la vision
d’Henry sur cette histoire d’amour, ainsi que sur cet homme qui fait figure de
père. Et ce
choix offre un large panel d’options de mises en scène (un travail est
effectuer au niveau de la perspective, des regards et des reflets). Mais cela laisse une certaine frustration chez le
spectateur, qui ne peut donc pas véritablement suivre l’évolution de l’histoire
qui nait entre Adèle et Frank. Même si une grande part du film est dédiée à un
questionnement sur la sexualité. D’une part à travers les questionnement et
obsessions adolescentes d’Henry. Puis face à l’intervention de Frank, qui incarne
le désir, et donc installe une tension sexuelle (accentuée par la chaleur du
début de l’été) très troublante pour Henry et le spectateur. Le spectateur
n’accède pas à l’intimité du couple, ce qui laisse planer un mystère et met une
certaine mise à distance due au point de vue d’Henry.
On peut donc dire
que Last Days of Summer répond
parfaitement à l’un des éléments essentiels dans la réalisation d’un film à
suspens : le jeu avec le spectateur. C’est dans l’interaction avec le
spectateur qu’est rendu possible le choix de point de vue particulier sur
l’histoire d’amour. Par ce choix, Jason Reitman renouvelle le genre, en réalisant
un film où le suspense et la tension sexuelle, formidablement portés par les
acteurs (Kate Winslet et Josh Brolin), servent une philosophie de vie positive,
comme c’était le cas dans ces deux précédents films. La narration en huit clos de
cette histoire d’amour impossible n’est pas sans nous rappeler le chef d’œuvre de
Clint Eastwood, où il se met en scène avec Meryl Streep dans Sur la Route de Madison. Le choix de
focalisation amène également une réflexion plus large sur le cinéma et sur son
caractère exhibitionniste, qui est entre autre développer par le théoricien
Christian Metz. Il met en rapport les notions d’exhibitionnisme (le film) et de
voyeurisme (le spectateur), comme le fait Freud en psychanalyse, pour qualifier
un certain rapport qui se crée entre le film et celui qui le regarde, et qui se
justifie parfaitement dans ce dernier film de Reitman.
Last Days of Summer, actuellement en salles.
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