lundi 19 mai 2014

Last Days of Summer

         


               Ce film a été réalisé par Jason Reitman (réalisateur de Juno et In the Air) d’après l’adaptation du roman de Joyce Maynard, Labor Day. L’histoire raconte comment Frank, un fugitif en fuite, va bouleverser la vie triste et monotone de Henry, adolescente solitaire de 13 ans, et sa mère Adèle (jouée par Kate Winslet), en pleine dépression depuis son divorce. Frank s’impose chez Adèle et Henry pour se cacher de la police le temps du weekend du 1er mai. Ce film présente un huit clos ardent et particulier qui, dans son traitement de l’histoire et de sa mise en scène, joue avec les émotions du spectateur. L’arrivée de Frank est à la fois source d’angoisse pour les personnages et le spectateur, mais offre également un nouveau souffle de vie dans le quotidien morne d’Adèle et Henry.

Ce suspens se ressent tout d’abord dans l’action principale du film : l’évasion de Frank, qui crée un climat d’angoisse permanent. D’abord vis-à-vis d’Adèle et Henry, pour qui le spectateur développe une empathie grâce à l’introduction du film ; ensuite en faveur de Frank qui s’attire les bonnes grâces de ses hôtes et du spectateur. On peut donc noter, à partir de cette distinction, que le film se découpe en deux parties. Le retournement de situation s’effectue une fois que les personnages sont arrivés dans le lieu clôt. Comme hors du monde et de ses lois, ils sont libres d’être qui ils sont, au-delà de certaines étiquettes comme l’adolescent solitaire, la dépressive ou le fugitif.
Un autre genre de suspens narratif se met alors en place, à travers trois questions que se pose le spectateur : pourquoi Frank était-il en prison ? Quelle est la raison de l’état dépressif d’Adèle ? Et que va-t-il advenir de nos héros ? Ces questions reviennent sans cesse à l’esprit du spectateur, qui est interpelé par l’intervention des voisins d’Adèle, de la police, du journal télévisée, et surtout par des inserts flashbacks qui dévoilent les clés du mystère de Frank. Il y a donc trois temporalités dans le film : l’extérieur de la maison, l’intérieur de la maison, et le passé révélé par les inserts flashbacks. Ces trois temporalités ne font qu’accroitre la tension dramatique au sein de la maison. Nos héros sont à la fois piégés dans la maison, mais également dans leur passé. Cet élément temporel sert avec grande justesse le suspens du film, et permet une identification du spectateur.

            L’arrivée de Frank dans la vie d’Adèle et Henry répond à un manque dans leur quotidien. Il devient à la fois le père, l’amant, le mécano et le cuisinier, en définitif l’homme à tout faire, beau et fort, qui répond au besoin de chacun. Il insuffle un nouveau souffle de vie et répond à un besoin de normalité d’Henry, permettant d’être dans une certaine représentation de la famille. Cette représentation est essentiellement due au cadrage, qui encadre les personnages comme dans une photo de famille. Cela devient presque cliché par moment, tant ce choix est redondant. Mais il va de pair avec un choix de focalisation particulier, car le film est entièrement vu du point de vue d’Henry. La caméra est pratiquement subjective tout au long du film. Même si on ne peut pas dire qu’elle représente en permanence la vision pure d’Henry, elle traduit son point de vue. Plus qu’une histoire d’amour impossible, ce film transcrit la vision d’Henry sur cette histoire d’amour, ainsi que sur cet homme qui fait figure de père. Et ce choix offre un large panel d’options de mises en scène (un travail est effectuer au niveau de la perspective, des regards et des reflets). Mais cela laisse une certaine frustration chez le spectateur, qui ne peut donc pas véritablement suivre l’évolution de l’histoire qui nait entre Adèle et Frank. Même si une grande part du film est dédiée à un questionnement sur la sexualité. D’une part à travers les questionnement et obsessions adolescentes d’Henry. Puis face à l’intervention de Frank, qui incarne le désir, et donc installe une tension sexuelle (accentuée par la chaleur du début de l’été) très troublante pour Henry et le spectateur. Le spectateur n’accède pas à l’intimité du couple, ce qui laisse planer un mystère et met une certaine mise à distance due au point de vue d’Henry.

On peut donc dire que Last Days of Summer répond parfaitement à l’un des éléments essentiels dans la réalisation d’un film à suspens : le jeu avec le spectateur. C’est dans l’interaction avec le spectateur qu’est rendu possible le choix de point de vue particulier sur l’histoire d’amour. Par ce choix, Jason Reitman renouvelle le genre, en réalisant un film où le suspense et la tension sexuelle, formidablement portés par les acteurs (Kate Winslet et Josh Brolin), servent une philosophie de vie positive, comme c’était le cas dans ces deux précédents films. La narration en huit clos de cette histoire d’amour impossible n’est pas sans nous rappeler le chef d’œuvre de Clint Eastwood, où il se met en scène avec Meryl Streep dans Sur la Route de Madison. Le choix de focalisation amène également une réflexion plus large sur le cinéma et sur son caractère exhibitionniste, qui est entre autre développer par le théoricien Christian Metz. Il met en rapport les notions d’exhibitionnisme (le film) et de voyeurisme (le spectateur), comme le fait Freud en psychanalyse, pour qualifier un certain rapport qui se crée entre le film et celui qui le regarde, et qui se justifie parfaitement dans ce dernier film de Reitman.





Last Days of Summer, actuellement en salles. 
     

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