dimanche 15 février 2015

Cinquante Nuances d'une adaptation réussie




           Comme toutes les fans de la saga, je suis allée voir le film avec des réserves. Le pouvoir de la littérature est de savoir livrer une histoire particulière, tout en laissant une grande liberté d’interprétation et de visualisation au lecteur. L’adaptation cinématographique prend le risque de décevoir ce lecteur, qui a façonné l’univers fictif avec sa subjectivité. Deux choix s’offrent alors à elle : tenter de répondre à une attente visuelle collective, ou alors s’en affranchir et livrer une interprétation libre de cette même histoire.

Cette adaptation de Cinquante Nuances de Grey se place dans la première catégorie, car on peut affirmer (en tentant de taire sa subjectivité de lectrice) qu’elle est fidèle au roman de E. L. James. Le film, à travers ses choix dans l’adaptation scénaristique, sa mise en scène, l’interprétation des acteurs, et son cliffhanger irritant, répond au pacte d’adaptation qu’il scelle avec le lecteur du roman. Les 2h05 de film compactent intelligemment les 590 pages du premier volume, donnant suffisamment à voir et à entendre sexe, entre sous-entendu, symboles phalliques, dialogues, jeux de regards et scène de sexe brutes. Plus serait indécent (même si le principe du scénario est de l’être), moins serait absurde.

Le film ne prend pas de risques sur la forme, offrant (comme le roman) une esthétique et une mise en scène accessibles au grand public, à travers des images lisses et un montage très classique. On aurait aimé une prise de risque de ce côté-là, pour casser l’image clean et glamour de la saga, ce qui aurait donné un nouveau relief à l’histoire. Mais cette retenue stylistique permet de rendre le film plus accessible, et donc de répondre aux fantasmes féminins des amatrices de Christian Grey librement.

Enfin sur le fond, je suis agréablement surprise de voir que l’adaptation est loin d’être un Twilight pour adulte (même si, disons le, le genre s’y prête bien). Le film frôle le ridicule mais ne l’atteint pas, grâce à une distance et de l’humour bien communiqués par les interprètes. Le point fort de cette saga est d’ouvrir une porte communicante entre romance extrême et sexe sauvage, cassant enfin les représentations d’une femme mère ou pute. Même s’il s’agit d’une grosse production hollywoodienne limitée par des codes qu’elle s’impose, le personnage d’Anastasia Steele assume aussi bien ses attentes romantiques que sexuelles, et livre un message libérateur à notre société. Dominant et Dominé ne sont que des étiquettes de joueurs, que les personnages s’échangent tout au long de la saga, comme n’importe quel couple dans la vie réelle. Elle n’est pas cette délurée romantique de saga pour adolescente, mais une représentation de la femme moderne qui veut tout, parce qu’elle est capable de le gérer. 



Cinquante Nuances de Grey, actuellement au cinéma.

1 commentaire:

  1. Ta critique est d'une grande efficacité, c'est vraiment super !!
    ...Et en plus sans spoilers !

    Nan, vraiment : pouce levé.
    :)

    Surtout continue Léa !!

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