dimanche 21 septembre 2014

3 Cœurs


Un triangle amoureux, Benoît Poelvoorde, Charlotte Gainsbourg et Chiara Mastroianni. Quoi de mieux pour faire un bon petit drame français, déjà vu, revu et re-revu.

Le pitch annonçait pourtant un potentiel cinéma : Mark, de passage à Lyon, loupe son train de retour, et rencontre une femme, Sylvie, qui lui fait une visite guidée de la ville. Charmés l’un par l’autre, ils se donnent rendez-vous quelques jours plus tard à Paris. Mais Mark, pris d’un malaise arrivera trop tard au rendez-vous. Les mois passent et il rencontre une nouvelle femme, Sophie, qui le rend heureux, mais qui se trouve être la sœur de Sylvie.

Le film est vendu comme un thriller romantique, sous la forme d’un ensemble de chapitre où les personnages se croisent et se manquent tels des fantômes. C’est l’absence de Sylvie qui semble réunir Mark et Sophie, mais cette absence participe également à un mystère, un suspense, plus pour Mark que pour le spectateur, qui a un point de vue omniscient. Le spectateur attend de voir quand et comment les deux personnages vont se revoir, comment ils vont réagir et gérer la situation. Certaines thématiques sont abordées à travers le personnage de Mark qui recherche un lien fort avec quelqu’un, il dit beaucoup vouloir entrer dans l’intimité de l’autre, et c’est au fond ce dont traite le film : l’intimité. Deux sœurs qui partagent le même homme, c’est terriblement incestueux et c’est, d’une certaine manière, de cette façon que Mark pénètre dans l’intimité de ces deux femmes.  

Mais au-delà de ces présences fantomatiques qui font toute la force du film, et cette tentative de recherche de l’intime, il n’y a rien. Le film est si mal construit que le spectateur ne crée pas d’empathie avec les personnages. C’est un enchainement de petites séquences qui montrent tout et rien en même temps. On ne croit pas à la rencontre entre Charlotte Gainsbourg et Benoît Poelvoorde, puis à la rencontre entre Benoît Poelvoorde et Chiara Mastroianni. Le film passe trop vite sur les évènements et laisse un goût amer de superficialité, car il veut trop dire. Et lorsqu’on veut trop dire, ça ne veut plus rien dire du tout.

Le plus grand défaut, à mon humble avis, reste du côté technique. Trois problèmes : les perpétuels fondus au noir qui symbolisent la fin d’une séquence/d’un chapitre, la musique, et la voix-off d’un narrateur, qui intervient en plein milieu du film pour dire peu de choses. J’ai un avis ouvert et libéré quant aux formes cinématographiques, qui ne doivent pas faire l’objet d’une classification où on établirait quand et comment les utiliser. Le cinéma doit s’affranchir de ses propres codes pour atteindre le label d’Art. Mais (il y a toujours un mais) cela doit être « justifié ». Il faut qu’il y ait un sens, conscient ou pas, pour le réalisateur, qui puisse se confronter à celui du spectateur. Cette voix-off n’a absolument aucun sens, car le spectateur est habitué depuis le début à un jeu abstrait, où peu de choses se disent entre les personnages (ni même les prénoms), comme s’ils se comprenaient instinctivement. Les échanges du film reposent entièrement sur le regard, le reflet (beaucoup de miroirs), l’absence, bref des éléments qui parle d’eux même et qui par la mise en scène devraient transmettre quelque chose au spectateur. Alors pourquoi cette voix tente-elle d’expliquer ce que les personnages n’ont pas besoin de dire ? Pourquoi rompre le seul charme du film en mettant des mots là où il n’y en a pas besoin ? Cela va de pair avec la musique. Pourquoi imposer au spectateur une musique lourde et grave de thriller pour appuyer chaque temps fort, au lieu de laisser le jeu des acteurs le faire ? Enfin, je dirai que je film manque d’homogénéité, et ressemble plus à un ensemble de séquence qui, prise seules ou ensemble, n’ont pas plus de sens. Peut-être que cela participe à une traduction de la fracture, celle de Mark qui a plusieurs vies à travers plusieurs femmes, et cela se justifierait. Mais ce découpage gêne et empêche d’entrer pleinement dans la fiction.

Par ces artifices de mise en scène, le film écrase le talent des acteurs et empêche le spectateur de s’approprier l’histoire. Benoît Jacquot a choisis une problématique originale, et a tenté d’en extraire des éléments intéressants, mais on a le sentiment qu’il s’est lui-même perdu en route. 


3 Coeurs, réalisé par Benoît Jacquot. Actuellement au cinéma.

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